vendredi 20 novembre 2015

ENFANCE chien corbeau grenouilles ...

      Mon père, pourtant par ailleurs lucide et aux idées assez avancées sur la politique, la religion, le conformisme et le bourrage de crâne en général, était ferme sur certains points. On se marie si on veut vivre ensemble et avoir des enfants. Celle (je dis bien celle et non celui) qui vit en concubinage ou en union libre était vilipendée, on employait un vilain mot " vivre à la colle". La mère célibataire, la fille-mère, la honte, c' était ainsi à l' époque on ne parlait pas de "garçon-père" même si à mon avis il devait bien y en avoir un quelque part (sauf parthénogenèse), mon père convola en justes noces et Il fallait un toit à proximité du lieu de travail, , ils louèrent un appartement dans une vaste maison, et  là vient l' épisode du chien qu 'ils avaient laissé chez les beaux-parents pour ne pas encombrer le déménagement et le lendemain de celui-ci, le chien qui avait réussi à s'échapper était dans la rue et jappait devant la porte, deux ou trois kilomètres seulement mais il ne savait pas lire le nom des rues et on ne lui avait pas donné l' adresse. Etonnant. les loueurs, étaient sans enfants, mais ils avaient des idées bien arrêtées sur l'éducation et en faisaient part à ma mère, ce qui la gênait un peu parfois. C' étaient des gens " bien - pensants. " Lui était chauffeur de maître " pour un industriel qui exploitait le gypse de la région (sulfate hydraté de calcium qui chauffé donne le plâtre) ne pas confondre avec carbonate de calcium, cette craie qui est aimée par la vigne, très présente dans la sous-sol de mon village viticole, je connais, ayant réuni une collection impressionnante de minéraux, en particulier le gypse sous toutes ses formes, fibreux, fins cristaux délicatement ciselés et surtout le "Fer de lance", un millefeuilles, vous le clivez, vous en avez deux et encore. On montrait récemment à la télé en Amérique centrale des cristaux de plus de 10 mètres de long. Pas si transparent cependant que le quartz cristal de roche) mais je suis hors sujet et je reviens. Je l' ai vu le propriétaire de la belle voiture, bien plus tard, lors d' une illicite pêche à la grenouille dans des prés clôturés, où des mares résultaient de l' effondrement de vieilles galeries d' extraction de pierre à plâtre, il apparut soudain et seigneurial déclara :"Que faites-vous dans MA propriété ?" On en laissa tomber le seau et les grenouilles rentrèrent chez elles. L' homme très proche de la nature qui m' avait appris la pêche à la grenouille, pour empêcher que ça saute trop dans ses seaux leur coupait habituellement la tête et j' ai constaté que même sans tête une grenouille continue à sauter...et même le canard maigre gagné à la Fête à Charly... alors quand on pense au bon docteur Guillotin, on frémit.  Je me souviens de pas grand'chose, un puits au fond du jardin, des loirs,  c' était impressionnant, qui couraient sur un toit. Finalement, mon père décida qu ' une famille doit posséder sa propre maison  et grâce à la loi sociale dite "Loucheur", il en prit pour 20 ans et plus. Justement une maison petite mais jolie en pierre meulière venait de surgir des ruines  d' une vieille ferme par l' art d' un maçon-promoteur qui achetait des vieilles pierres et édifiait puis vendait ses constructions. Un homme écolo avant    l' heure, qui construisait tout, par économie certainement plus que par écologie, en matériaux de récupération. Par exemple le dessus des marches de l'escalier  d'accès aux chambres est fait d'une mosaïque d' éclats de marbre où l' on peut lire des restes de l'inscription "Ci-gît", l' origine ne fait aucun doute. Et le chêne de la charpente porte les stigmates bien nets d'une utilisation antérieure?. Ce maçon, étonnez-vous était surnommé "La Goupille". On n' en fait plus des comme-ça.
    On déménagea, de la même façon que tout le monde à cette époque, on emprunte une charrette à un cultivateur complaisant, ils étaient nombreux, de petits exploitants, qui n' avaient pas encore recueilli la manne du jus sacré de la vigne, un peu de ceps, certes,  mais aussi des pâtures avec de petites mares où nous recueillions, nous gamins, des tritons minuscules ou des salamandres,  Un peu de vigne mais aussi des pâtures avec de belles vaches qu' on rentrait le soir à l' étable pour les traire. Une dizaine passait chaque soir devant les portes de la nouvelle maison "loi Loucheur"  et on pouvait juger de l' importance du troupeau de                l' agriculteur-éleveur du haut de la rue,( maintenant finies les vaches et vive le champagne), en comptant les flac...flac..flac.....qui s' écrasaient sur les pavés en grès de la chaussée. Quand c' était les chevaux, c'était mieux, on se précipitait avec pelle et balayette pour récupérer le précieux crottin salvateur aux rosiers, quant aux vaches, on n' allait quand même pas faire sécher les bouses pour les utiliser comme combustible ou en faire des revêtements de mur.On ouvre, on entre, je revois tout, la voiture hippomobile, je revois l' entrée, la façade est belle, on entre, la maison est toute noire dans les pièces, déception, vite partie quand on ouvre une fenêtre sur une belle petite courette et que la lumière fut. Et il faut chercher pour voir que c'est fait de de matériaux de récupération. Une cave voûtée, un grenier sous les tuiles, pas de garage  mais on ne pensait pas pouvoir un jour posséder une auto, pas faite  pour nous, seulement pour les riches, il en existait peut-être dix exemplaires pour deux mille habitants, je parle des autos, les riches il y en avait plus que ça,  et on      n' avait à ranger que la poussette à bébés devenue inutile, deux enfants      c' est bien et suffisant, et une brouette. On installa un poulailler, un clapier, on était réveillé par les chants des coqs qui compétitionnaient . On entendait les cot...cot...cot...co-dec et les oeufs étaient là. Pour  nourrir les poules et le coq, on faisait des réserves de grains en allant glaner les épis oubliés après les moissons, les lapins c' était plus difficile, on devait aller à l' herbe avec une faucille le long des chemins et ces bêtes sont insatiables et bêtes,  aucun effort pour se restreindre aucune compréhension de la situation. Un problème, le chauffage, l 'élément unique était la cuisinière qui fonctionnait au bois ou au charbon, belle houille luisante, anthracite charbon presque pur mais trop cher, et on opte pour un agglomérat de débris ou poussièrere de charbon réunis en boulets ou briquettes, ou le bois, mais... Au retour de l' école, j' appréhendais le "Jacques, tu me scies un peu de bois ". Dur avec la scie qu 'il faut souvent affûter, ce va-et-vient qui fait mal au bras, sci...i, sci...i,sc i...j' essaie l' onomatopée, et les grosses pièces qu' il faut fendre avec hache ou cognée. Chaque pièce de la maison était équipée d' une cheminée mais le tirage n' a jamais été optimisé et chaque essai se soldait par des nuages de fumée dans les pièces du bas. On se contenta de la bonne vieille cuisinière. On essaya à l'étage un poêle unique avec ramification de tuyaux dans les chambres, on faillit brûler la maison, on se contenta donc de bouillotes dans les lits et de gros édredons en plumes, on tremble dix minutes ensuite on se réchauffe. On avait l' eau courante froide ...et pas chaude,  pour la toilette du matin, seule source   d' eau plus ou moins chaude la réserve bain-marie  de la cuisinière, quelques litres. Mais bien évidemment pas de baignoire ou douche, luxe pour les riches à cette époque et le lavabo était trop haut pour ma petite taille. Parfois immersion décapage dans un baquet le dimanche matin. Par contre on disposait de toilettes extérieures (à la turque)  nécessaires du fait qu' on ne disposait pas d' étable à vaches pour en faire office.
Le mati, ( la virgule  me rappelle un vieux prof d' Histoire qui faisait son cours assis au bureau, en dictait une partie avec la ponctuation et quand  l 'heure sonnait sur une virgule, on attendait le cours suivant pour finir la phrase jusqu' au point final), donc le matin on tirait  sur les minutes pour les allonger, saut du lit, passage rapide, très rapide, au lavabo, petit-déjeuner presto, béret sur tête (sans son pompon arraché par les imbéciles, espérance de vie d 'un pompon, même pas quelques heures. Le dimanche par contre, toilette plus élaborée, parfois même dans un baquet à lessive, les beaux habits du dimanche, les souliers cirés et départ pour la messe jamais manquée les jours de distribution de pain bénit, meilleur évidemment que l' ordinaire et dont on pouvait espérer un deuxième morceau par accointance possible avec l' enfant de choeur distributeur. Mon père était d' accord pour que j' aille à la messe mais de la à m' encourager à être enfant de choeur. Si tu veux y aller, tu y vas, très laconique. Je l' ai été cependant, enfant de choeur, quand j 'avais 21 ans, au mariage religieux d' un ami de promotion quand on s' aperçut avec inquiétude que l' enfant de choeur prévu n' était pas là. Le prêtre jeta un oeil circulaire sur l' assistance et, je m' en doutais, à cause de ma bonne mine, je me faisais tout petit, ça n' a pas manqué,  son regard s ' arrêta sur moi. Mais...réticences...je ne suis pas trop adepte ou pratiquant de vos rites, je vous le dis honnêtement ...ça ne fait rien, moi-même, il fut un temps...et  je suis sûr que vous aussi, un jour, vous aurez la révélation...( ?, j 'attends encore...mais j' ai à peine dépassé les 80 ans, l' avenir m' appartient).  Alors, je fis l' enfant de choeur, pas difficile, pas la mer à boire ni même le vin de messe. Ce ne fut pas trop difficile, il me tendit  parfois des instruments pour que je puisse à mon tour les lui tendre, il ne m' invita cependant pas à partager le vin. Pas grave, le matin, le vin blanc...et je me demandais si, quand je me marierais une pareille mésaventure arriverait,  peut-être pas, mais je prévoyais cependant qu'il faudrait passer devant le représentant du Bon Dieu, ça n' a pas manqué, je m' en doutais, j' ai un don de prémonition incroyable.  Le dimanche on avait la possiblité d' assister aux Vêpres, j' y suis allé rarement car pas de pain bénit mais ça me fait une introduction pour la suite du récit. Pause dans le récit. J' aime les Vêpres siciliennes de Verdi, à l' époque je connaissais déjà quelques oeuvres musicales, j' adorais à l' âge de 10 ans, le menuet de Boccherini par exemple, la valse triste de Sibélius et l'invitation à la valse de Weber-Berlioz pour les avoir entendues à la radio dans les rares pauses laissées par Tino on Rina et j' eus le bonheur de gagner dans une tombola à l 'école, un harmonica, tellement un ravissement que le soir j' avais les lèvres tuméfiées mais que je soufflais déjà les dernières rengaines à la mode.  Beaucoup plus jeune j' avais reçu un petit accordéon et fasciné par les sons qui en sortaient, je l'ai ouvert avec mon couteau pour voir comment ça fonctionnait, pour voir ce qu 'il y avait dedans, désastre total, les larmes, essais de recollage à la colle blanche, plein les mains, échec total de la restauration. Tout ça pour vous dire comme j' aimais la musique, celle qu' on fait plus que celle qu'on achète. Le dimanche après-midi, plutôt que les vêpres, c 'était souvent, après rangement des beaux habits  le bêchage du jardin et le transport des lourds arrosoirs d' eau. Dur. Et le corbeau, dans tout çà . J' y arrive, lentement mais sûrement                                         
On faisait la lessive dans une lessiveuse (évident), système ingénieux par lequel la lessive remontait par un tuyau et redescendait en pluie sur le linge. On entendait quand çà bouillait et que le cycle se faisait. On ajoutait souvent des feuilles de lierre (qui contiennent des saponines détergentes et moussantes). Le rinçage se faisait par un bac prévu à cet usage dans la cour avec eau courante. Le lourd problème était le poids de la lessiveuse à installer et descendre de la cuisinière. On n' avait pas encore l' électricité mais on disposait d' une production locale de gaz       d' éclairage. (Années 30). On s' éclairait en bas par un manchon de gaz, lumière assez pâle et bruyante, en haut par des lampes à pétrole. Notre mère nous trouva, un jour, en revenant de course, ma soeur et moi commençant un sommeil vers l 'au-delà, une casserole av ait débordé et éteint la flamme, elle nous réveilla, on reprit vite nos esprits. L électricité vint assez vite dans les années suivantes. Vous voyez, vous qui imaginez le si bon vieux temps, comme on était heureux en ce temps-là. Dites-le très vite.Un jour, mon père revint à la maison avec un jeune corbeau peut-être tombé du nid, peut-être...toujours est-il qu' on le nourrit et qu' il devint un beau corbeau vigoureux. On lui avait installé une résidence mitoyenne avec le poulailler où on développa une belle couvée de mignons petite poussins jaunes dont un jour on constata en les recomptant qu' il en manquait plusieurs. Enquête, soupçons vers le corbeau dont on comprit vite la tactique. Il  appelait les poussins près des mailles du grillage et en faisait son régal. Indignation. On ne punit pas le corbeau, on ne va pas contre la nature, mais on décida de s' en séparer, on le mit dans un sac, on descendit à la Marne, pas pour le noyer mais pour le déposer délicatement dans les herbes ou roseaux et on revint. A quelques dizaines de mères de la maison,on se retourne et ...le corbeau vrai membre de la famille était là, il marchait, il nous avait suivi. On rentra avec lui et quelques jours après mon père prit son vélo, cette fois, et l' emmena loin pour le rendre à une vie plus normale, on était certain, il avait fait ses preuves, qu' il saurait   s' en sortir. Cette fois, il ne nous retrouva pas. J' espérais pourtant.          La dame dont on avait été locataire s' intéressait à nous. Elle vint à passer à la maison  porteuse de deux paquets, elle s' informa de nos santés, de nos progrès à l 'école etc... J ' avais hâte pour les cadeaux, d' abord celui destiné à ma soeur, une forme arrondie, j' avais deviné " une raquette de tennis ! " Pas de oui de confirmation, pas de sourire complice, bizarre, pourtant      j' étais sûr. On déballe, c' était un crucifix pour ma soeur qui avait atteint l' âge de la communion solennelle. Un froid dans l' assistance, merci quand même. Deuxième cadeau, le mien, je reste muet,  je ne devine rien et même, je me méfie. On ouvre, je sais que vous ne me croirez pas, c' était un martinet destiné à l 'éducation d' un petit garçon forcément mauvais par nature.                                                                                           Plus que du froid, ça a jeté, du gel...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire