mercredi 19 avril 2017

Autrefois la morale à l' école (1)

Je précise que JB c' est JACQUES B .

La morale à l' école autrefois.
    


La morale à l' école autrefois (2)

Comment autrefois on comprenait la colonisation et comment on l' enseignait à l' école

La morale à l' école autrefois (3)

Pour terminer, un texte qui figure dans un livre de lecture pour écoliers - degrés moyen et supérieur - L' auteur était membre de l' Institut
Yvan Gall, le pupille de la marine, livre de lecture courante (degrés moyen et supérieur, classes primaires des lycées et collèges), 1894


mardi 18 avril 2017

Adolescence -

 Le p' tit B est au deuxième rang du haut vers le bas sous l épaule gauche et la cravate du maître.

Quand on était par ses bons résultats, désigné pour devenir instituteur, on passait le concours d' entrée à l' Ecole Normale d' instituteurs en fin de classe de troisième ou après une année en plus dans une sorte de classe préparatoire.

j' avais été reconnu à me présenter dès la première année. Je m' y préparai allègrement     n' envisageant d' ailleurs d' être refusé au concours, on en prenant environ un sur quatre donc aucun risque, j' avais forte conscience de mes talents.

Mais voilà qu' apparut dans la classe un homme bizarre, à la barbe taillée en pointe style Napoléon III qui me parut extrêmement vieux et désagréable. Le maître me déclara que je devais suivre Monsieur l' Inspecteur qui voulait s' entretenir avec les candidats à l' Ecole Normale.

On partit donc tous les deux dans le jardin de l' école où une table et deux chaises avaient été installées à la disposition de M.. l' Inspecteur, homme barbu et imposant et moi encore petit gamin, je faisais très jeune et frêle.

Il me présenta un recueil de fables de La Fontaine. J' ai acheté depuis un recueil complet de ses oeuvres et j' ai adoré ses contes que je vous recommande autant que ses fables, des petits bijoux libertins.

Je fus invité à lire " La laitière et le pot au lait" et à donner mon avis. Je lus en essayant de prendre un ton intéressé et je commentai. J' essaie de me souvenir. Oui dis-je à peu près,    j' aime bien ce récit, Perrette  court-vêtue, cotillon simple et souliers plats, jolie description bien menée et percutante ( elle me plaît bien cette grande fille). Elle allait à grands pas, alors là je pense qu' elle aurait dû plutôt, avec un pot sur la tête marcher à petits pas pour la stabilité de l' ensemble, pot et porteuse et ça y est je m' en doutais, pas de suspense, elle    l' a mis par terre.


  

Bon elle est déçue dans ses rêves mais ça n' est pas bien grave, d' ailleurs pourquoi acheter un cent d' oeufs, je m' étonne car dans les fermes et même chez mes parents, on a un coq et des poules et on produit ses propres oeufs et je continuai sur ma lancée, si elle a du lait c' est qu' elle a déjà une vache, je croyais devoir faire une analyse très critique et non s' extasier d' admiration, et puis ça n' a rien à voir avec des châteaux en Espagne tout cela est bien disproportionné ... et j' en ajoutai encore (une louche comme on dit) et vraiment le mari qui avait droit de correction sur son épouse je  n' y  croyais pas trop, c' est pour mettre du sel dans le récit etc...et la Fontaine me semblait bien tolérant sur la soumission de la femme. Affreux Macho ! lui qui  dit-on aimait beaucoup non la femme mais plutôt les femmes.




Oui mais m' interrompit M. L' Inspecteur, combien y a-t-il de parties dans la fable et comment s' articulent t-elles  et par des exemples montrez-moi la justesse ou l' originalité de certains mots, l' habileté de la construction et de la progression du récit et parlez - moi du but moral de cette fable et pourquoi l' appelle-t-on fable  (à peu près ce qu' il dit). Réponse (à peu près) pas de parties, la qualité de l' ensemble est d' être bien enchaîné sans rupture de rythme et ce n' est qu' un écrit léger aimable et bien dit avec cependant cette histoire de château en Espagne qui me semble bien disproportionnée pour un petit fait-divers, un texte très plaisant certes mais pas essentiel.

Voilà  ce que fut mon analyse dont j' étais très satisfait, presque fier, et j' attendais des félicitations pour mon esprit critique et presque les congratulations de tous et ça méritait 9 sur 10 

Patatras, comme le pot mon rêve tomba. On m' appela : M. l' Inspecteur trouve que tu es encore très jeune et conseille une mâturation d' une année avant de rejoindre  l' E.N.

Le fils du Directeur de l' école qui par la taille parlait d' égal à égal avec l' Inspecteur fut jugé très suffisamment mûr ...puis manqua le concours et changea de voie.

Un peu vexé cependant je me réjouis vite à l idée d un sursis pour rester avec copains et surtout une copine du village (qui s' est reconnue depuis en lisant mes écrits) et je me résignai à une année sabbatique.

Je l' ai revu cet homme, il était devenu docteur "honoris causa" de je ne sais quelle université et pour arrondir sa retraite il visitait les jeunes instituteurs pour leur vendre des revues pédagogiques. Je me suis dis le revoilà celui-là,  il plaisantait même totalement transfiguré ce que je n' aurais jamais pu imaginer. N' ayant jamais su être méchant pour lui faire plaisir je lui achetai son inutilité que je ne lus qu' à moitié et lui accordai le pardon.

Lors de notre première rencontre mon esprit était plus mûr que le sien. J ' étais déjà certain que moi je n' aurais jamais comme lui de certitudes - à part celle de ne pas en avoir et      celle d' être assez mûr pour réussir à  ce concours où après une année de repos  je fus reçu facilement Major de la promotion. Manque de modestie ? Peut-être mais assurément une revanche.



parcours scolaire autrefois

Etudes primaires

Plaque ancienne retrouvée dans un établissement scolaire.


Je voudrais  montrer un peu la vie scolaire d' autrefois qui souvent se terminait avec l' obtention du prestigieux Certificat d' Etudes primaires, un véritable examen complet, orthographe comprise, cinq fautes dans la dictée et adieu le diplôme. 



A l' époque de ma jeunesse, peu d' élèves continuaient une scolarité post - primaire. Une offre de main  d' oeuvre locale, avec  l' agriculture surtout, mais encore l' artisanat,le commerce et l' Administration, suffisait  à assurer une stabilité sociale et ne justifiait pas des études longues. Quelques privilégiés chez les habitants des villes, où au lycée se retrouvaient les enfants du milieu social de bon standing, aussi de parents sans grands moyens mais prêts à tout sacrifier pour l' avenir de leurs enfants, avec parfois des bourses.


 Qu' en était-il dans les villages comme le mien ? Il y existait, par chance pour moi ce qu' on appelait un Cours Complémentaire, avec internat parfois, pas du secondaire comme le lycée de l' élite, seulement un prolongement du primaire, avec pour professeurs des instituteurs à grande motivation. Pas une prospective  d' études longues, on laissait ça aux élites sociales, seulement une marche de plus dans la grande idée de l' Instruction publique, on ne disait pas encore Education nationale. 

Le couronnement était le Brevet élémentaire, un vrai diplôme qui donnait accès à des emplois dans des administrations, ou en entreprise, par des concours bien sûr ou par promotion interne, donnant même à la possibilité  d' enseignement dans le privé. Un Brevet sans complaisance, attestant un niveau général de connaissances et d' aptitudes réelles certifiées. Muni de ce Brevet, il était difficile  de rejoindre le secondaire,  à cause d' un déficit dans l' enseignement des langues, une seule et pas de latin ni de grec, et surtout à cause du prix de  l' internat. 

 Alors, comment j' ai fait, mes parents ayant peu de moyens financiers, simple, la seule façon d' aller plus loin, c' était d' intégrer une Ecole Normale d' 'instituteurs où les études étaient gratuites, la pension également sous engagement   cependant d' un service d' au moins 10 années dans l' enseignement primaire, sinon remboursement total. Pieds et mains liés, avenir figé, salaires trop faibles pour ce remboursement. C' était ainsi.

 Les instituteurs-professeurs des Cours Complémentaires, j ' ai été  l' un deux ensuite, on les appela "Professeurs d enseignement général de collège", hybride issu non  de la Faculté mais de la promotion interne, et soumis au " travailler plus pour gagner moins".  

Les maîtres des cours Complémentaires repéraient  les élèves qu' il eût été dommage de voir quitter l' école, et aptes à passer le très sélectif concours  d' entrée à l' EN. C' est à dire,  élève suffisamment doué issu de famille pauvre, seule solution l' Ecole Normale et voilà pourquoi  l' instituteur, de par ses origines était toujours à l' avancée des combats pour la catégorie sociale d' où il était issu. L' Etat français pétainiste qui en était bien conscient, se hâta de fermer les Ecoles normales. Le normalien devint simple "élève-maître" accueilli en collège ou lycée, sans la formation, un peu en vase clos peut-être  qui avait été la sienne jusque là dans les écoles normales. 

Des journaux recherchant la cause de l' effondrement de la France accusèrent les " hussards de la République" de n' avoir pas su magnifier le sentiment de la Patrie chez les enfants et de ce fait, avoir une grande part de responsabilté dans la défaite. Ce fut, l'esprit nouveau, la grande Révolution Nationale," Travail Famille Patrie", symbole assez parlant pour ne pas en faire le sujet d' une longue dissertation. En gros: Tu travailles dur à faible salaire sans jamais te plaindre, tu élèves de nombreux enfants pour assurer ta relève et défendre la Patrie pour laquelle tu meurs  quand elle  t' appelle.  

Dans certaines villes, parallèlement aux lycées existaient des Ecoles Primaires Supérieures, une sorte de prolongement des Cours complémentaires qui préparaient à un avatar du Baccalauréat, appelé Brevet Supérieur et voué également à la formation de futurs instituteurs un peu dans le même esprit que les écoles normales. Ce Brevet Supérieur attestait de connaissances solides et le réussir se méritait beaucoup. Tous ces examens comprenaient un écrit suivi  d' un oral, non de rattrapage, mais de confirmation d' acquis très solides. Mon épouse nantie de ce diplôme aurait due être titularisée aussitôt, mais faute de postes créés dans sa Lozère déshéritée, elle se résolut finalement à quitter son pays et demanda à venir dans le nord qui lui, était déficitaire. 

Auparavant, pendant plusieurs années elle dut assurer des remplacements dans la montagne et la neige, dans des salles de classe inadaptées, l' une même dans une sorte d' étable au sol en terre battue, elle rejoignait l' un de ses postes, l' hiver, les jambes gainées dans des molletières, en suivant dans la neige, le facteur, qui lui suivait son chien, les indemnités de chômage n' existaient pas pour elle, et le calcul de ses annuités pour la retraite ne tint pas compte d' années complètes. Deux de ses collègues de l' époque, des filles jeunes, sont mortes perdues dans la neige, en volant assurer la rentrée dans un village perdue, implacable l' hiver dans le Causse pays de la neige et de la tourmente.

Voilà, qu' en est-il maintenant de tout ça. 


Tout s' estompe, tout s' efface, tout s' oublie, tout s' éteint