Plaque ancienne retrouvée dans un établissement scolaire.
Je voudrais montrer un peu la vie scolaire d' autrefois qui souvent se terminait avec l' obtention du prestigieux Certificat d' Etudes primaires, un véritable examen complet, orthographe comprise, cinq fautes dans la dictée et adieu le diplôme.
A l' époque de ma jeunesse, peu d' élèves continuaient une scolarité post - primaire. Une offre de main d' oeuvre locale, avec l' agriculture surtout, mais encore l' artisanat,le commerce et l' Administration, suffisait à assurer une stabilité sociale et ne justifiait pas des études longues. Quelques privilégiés chez les habitants des villes, où au lycée se retrouvaient les enfants du milieu social de bon standing, aussi de parents sans grands moyens mais prêts à tout sacrifier pour l' avenir de leurs enfants, avec parfois des bourses.
Qu' en était-il dans les villages comme le mien ? Il y existait, par chance pour moi ce qu' on appelait un Cours Complémentaire, avec internat parfois, pas du secondaire comme le lycée de l' élite, seulement un prolongement du primaire, avec pour professeurs des instituteurs à grande motivation. Pas une prospective d' études longues, on laissait ça aux élites sociales, seulement une marche de plus dans la grande idée de l' Instruction publique, on ne disait pas encore Education nationale.
Le couronnement était le Brevet élémentaire, un vrai diplôme qui donnait accès à des emplois dans des administrations, ou en entreprise, par des concours bien sûr ou par promotion interne, donnant même à la possibilité d' enseignement dans le privé. Un Brevet sans complaisance, attestant un niveau général de connaissances et d' aptitudes réelles certifiées. Muni de ce Brevet, il était difficile de rejoindre le secondaire, à cause d' un déficit dans l' enseignement des langues, une seule et pas de latin ni de grec, et surtout à cause du prix de l' internat.
Alors, comment j' ai fait, mes parents ayant peu de moyens financiers, simple, la seule façon d' aller plus loin, c' était d' intégrer une Ecole Normale d' 'instituteurs où les études étaient gratuites, la pension également sous engagement cependant d' un service d' au moins 10 années dans l' enseignement primaire, sinon remboursement total. Pieds et mains liés, avenir figé, salaires trop faibles pour ce remboursement. C' était ainsi.
Les instituteurs-professeurs des Cours Complémentaires, j ' ai été l' un deux ensuite, on les appela "Professeurs d enseignement général de collège", hybride issu non de la Faculté mais de la promotion interne, et soumis au " travailler plus pour gagner moins".
Les maîtres des cours Complémentaires repéraient les élèves qu' il eût été dommage de voir quitter l' école, et aptes à passer le très sélectif concours d' entrée à l' EN. C' est à dire, élève suffisamment doué issu de famille pauvre, seule solution l' Ecole Normale et voilà pourquoi l' instituteur, de par ses origines était toujours à l' avancée des combats pour la catégorie sociale d' où il était issu. L' Etat français pétainiste qui en était bien conscient, se hâta de fermer les Ecoles normales. Le normalien devint simple "élève-maître" accueilli en collège ou lycée, sans la formation, un peu en vase clos peut-être qui avait été la sienne jusque là dans les écoles normales.
Des journaux recherchant la cause de l' effondrement de la France accusèrent les " hussards de la République" de n' avoir pas su magnifier le sentiment de la Patrie chez les enfants et de ce fait, avoir une grande part de responsabilté dans la défaite. Ce fut, l'esprit nouveau, la grande Révolution Nationale," Travail Famille Patrie", symbole assez parlant pour ne pas en faire le sujet d' une longue dissertation. En gros: Tu travailles dur à faible salaire sans jamais te plaindre, tu élèves de nombreux enfants pour assurer ta relève et défendre la Patrie pour laquelle tu meurs quand elle t' appelle.
Dans certaines villes, parallèlement aux lycées existaient des Ecoles Primaires Supérieures, une sorte de prolongement des Cours complémentaires qui préparaient à un avatar du Baccalauréat, appelé Brevet Supérieur et voué également à la formation de futurs instituteurs un peu dans le même esprit que les écoles normales. Ce Brevet Supérieur attestait de connaissances solides et le réussir se méritait beaucoup. Tous ces examens comprenaient un écrit suivi d' un oral, non de rattrapage, mais de confirmation d' acquis très solides. Mon épouse nantie de ce diplôme aurait due être titularisée aussitôt, mais faute de postes créés dans sa Lozère déshéritée, elle se résolut finalement à quitter son pays et demanda à venir dans le nord qui lui, était déficitaire.
Auparavant, pendant plusieurs années elle dut assurer des remplacements dans la montagne et la neige, dans des salles de classe inadaptées, l' une même dans une sorte d' étable au sol en terre battue, elle rejoignait l' un de ses postes, l' hiver, les jambes gainées dans des molletières, en suivant dans la neige, le facteur, qui lui suivait son chien, les indemnités de chômage n' existaient pas pour elle, et le calcul de ses annuités pour la retraite ne tint pas compte d' années complètes. Deux de ses collègues de l' époque, des filles jeunes, sont mortes perdues dans la neige, en volant assurer la rentrée dans un village perdue, implacable l' hiver dans le Causse pays de la neige et de la tourmente.
Voilà, qu' en est-il maintenant de tout ça.
Tout s' estompe, tout s' efface, tout s' oublie, tout s' éteint
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