dimanche 3 juillet 2022
1940 Exode 5
J'ai terminé la page précédente en parlant d'un instituteur que je
vénérais, il nous apprenait la République. En classe un jour de 1938, on
parlait de l' Allemagne et de ses habitants, de la solidarité
nécessaire entre les peuples, mais moi, pensant à mon père mutilé de
guerre, j'étais bien d'accord, certes, mais avec mention particulière
quand même envers les allemands et j'eus un mot malheureux "- Oui, M'
sieur, mais ce sont nos ennemis " - Oh, là là ! qu'est-ce que j'avais
pas dit ! - "Mais mon petit, en parlant comme ça on aura toujours des
morts sur des champs de bataille, nous sommes des hommes comme tous les
hommes de toutes les nationalités et de tous les pays, nous nous devons
concorde, solidarité et refuser toutes les destructrices idées de
revanche dont on a pu nous imprégner, il faut se serrer les mains,
réfléchis-y-bien etc..." Il n'a pas dit exactement ça, mais c'est ce que
j'aurais proclamé à sa place. Honte sur moi, je résolus de revoir mes
points de vue et à l'avenir surtout de mieux tenir ma langue, mais
pourtant qu'en advint-il? Deux ans plus tard, mobilisé, prisonnier de
guerre, il revint en pas très bon état alors je ne jugeai pas bienvenu
de confronter de nouveau nos points de vue. (il avait vu si c'était des
amis !). J'enchaîne avec mon père, même si ça nous écarte un peu de
notre périple vers où, je ne le redirai pas puisque vous savez qu' on
allait vers la ville de Laval, dans la Mayenne, via la Lozère Donc mon
père travaillait avec son père, petite entreprise familiale de
maçonnerie, famille besogneuse, 4 frères plus un décédé
accidentellement, 3 soeurs. Né en 1897, il avait un peu moins de 20 ans
en mai 1917 quand on le mit dans une tranchée au "Chemin des Dames" dont
il reçut le 5 mai au matin (il paraît que les sorties étaient parfois
précédées d'une bonne rasade de rhum, allez savoir pourquoi) l'ordre de
sortir pour aller prendre la tranchée d'en face, à quelques dizaines de
mètres où se terraient les ennemis (pour ce mot voir paragraphe
précédent). Simple, se désemmêler des barbelés partout emmêlés, passer
entre les balles des tirs des mitrailleuses et les mille éclats des
obus, descendre dans la tranchée d'en face, faire des prisonniers (on
est humains quand même) et hisser le drapeau de la victoire, attention
pas le droit de reculer, regard vers l'avant. Les chances de réussir
c'était zéro, celles d'en revenir intact tout près de zéro. Les
généraux qui devaient surveiller dans des lorgnettes, d'assez loin
cependant rassurez - vous, avaient jugé cette attaque-suicide nécessaire
à la victoire de la grande France éternelle et ils recommencèrent sans
se lasser la même stratégie. Par chance, cette fois-là, avec mansuétude,
ils ne firent pas de "fusillés pour l'exemple" Mourir pour la Patrie
...sort le plus beau...le plus digne d'envie... Mon père osa me dire
plus tard que pour la Patrie il était pas contre mais que la guerre c'était aussi
pour défendre les biens de ceux qui en avaient beaucoup, mon père des
fois il disait n ' importe quoi, (pas comme son fils). Toujours
est-il que le sentiment du devoir envers le pays était fort et peu
voulaient s' y soustraire. Mon père donc fut ramassé à terre par des
infirmiers-brancardiers courageux, lui pas très frais, un peu très rouge
partout, quelques centimètres d' os en moins dans l'humérus droit, des
éclats d' obus baladeurs dans le thorax, ça on ne le vit qu'après quand
on inventa la radio. (Tout heureux mon père, çà faisait un peu mal mais
sorti de l'enfer). Une peau solide avait retenu le bras qui sinon aurait
pu aller loin, et puis convalescence dans le Béarn, soigné par de
jolies infirmières, j'ai une photo qui en témoigne, des chirurgiens
compétents et je le souligne, de grande expérience, évitèrent
l'amputation. (Anesthésie au tampon imbibé chloroforme). Bras au diamètre
rétréci qui pouvait pivoter sur lui même et un peu plus court que
l'autre. Plus tard, dans la pénurie des textiles ma mère put me faire
des pantalons dans les uniformes de mon père, les pantalons oui, mais
les vareuses non, inutilisables, bras droit trop court, aussitôt
acquises aussitôt raccourcies à droite par mon adroite mère.Mon père eut
donc droit à une pension d' invalidité (plus quart de place dans les
transports). Des nerfs non sectionnés permettaient aux doigts de
fonctionner, il suffisait de bien appliquer la main sur la table pour
s'en servir, donc tout allait pour le moins mal. La commission
d'attribution de pensions le déféra à des experts en médecine militaire
qui décidèrent qu'un étui de cuir bien serré, bien dimensionné, bien
lacé ferait retrouver au bras une rigidité suffisante pour un usage
presque normal, le taux d'invalidité tînt compte bien sûr de cette
résurrection du bras. L'étui salvateur entraîna tant d' allergies et de
douleurs qu'il fut abandonné après quelques semaines de totale
inefficacité et même nuisiblilité et le bras resta ballant. Le taux d'
invalidité resta le même. Les éclats d'obus baladeurs, visibles à la
radio, ils n'étaient pas très gros, et pour l' instant semblaient ne
pas se déplacer, pas de quoi faire des histoires, baste!
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire