dimanche 16 février 2020

Jeune adulte 9

       Je suis resté trois années dans cette école. Un nouveau directeur est venu, bonne entente, il me confie la grande classe, celle où l' on prépare   l' entrée en sixième qui à cette époque se fait sur concours et tout va à peu-près bien jusqu' au jour où l' on reçoit une circulaire de l' Inspecteur       d' Académie disant que les jeunes maîtres doivent demander un poste de campagne. 

Je fais une demande pour un village pas très éloigné, classe à tous cours avec secrétariat de la mairie ce qui  m' obligera à limiter mon temps de vacances. Je m' initie comme je peux à ce nouveau travail qui finalement me plaît assez, réception des gens, participation à la vie du village, organisation avec les habitants d' une séance théâtrale et deux années se passent, je rejoins souvent mon ancienne affectation où j ai laissé des amis (et des amies) et où je rencontre celle qui deviendra mon épouse et j' ai raconté la suite dans " Beau village".


 Je rejoins donc ma nouvelle affectation celle où j' ai raconté dernièrement avoir vécu en bonne harmonie avec une colonies de loirs, auparavant       j' avais passé un mois en Slovaquie dans les montagnes "Tatras" à creuser une tranchée pour le passage d' un train, pioches, pelles et mains,  (travail 3 semaines, excursions 1 semaine) à l' appel d' un groupement estudiantin, un train entier pour une expérimentation multi-nationalités de méthodes collectivistes auxquelles je renâcle fort et  n' ai participé que pour faire plaisir à un ami plus enthousiaste que moi.  Premier matin, hissement des couleurs, alors là retour au lit et absence les jours suivants. Ensuite, définition de normes de travail, refus de ma part, ça commence mal. Mauvaise tête la semaine, mais par esprit de contradiction volontaire actif pour le travail du dimanche. Je reviendrai cependant intact physiquement et intellectuellement.


 . Je m' étais auto-spécialisé dans le calage des rails sur lesquels roulaient les wagonnets de déblais, difficile, un  wagonnet derrière moi devient incontrôlable par son frein, un levier qui est un rondin de bois inefficace, il  prend de la vitesse, se rapproche du mien et va me pousser ou me projeter, alors je saute en marche, roule dans la pente et me blesse un peu au genou, le wagonnet prend de la vitesse, arrive en fin de rails, se renverse, des blocs de pierre roulent chutent dans le trou profond où des polonais construisent une structure en bois pour édification d' un pilier, craquements, poutres déchirées et les ouvriers d' en bas qui me regardent interloqués, je suis en haut du trou, je scrute les dégâts, personne n' est blessé par un hasard merveilleux, pendant une seconde je crois au "Bon" dieu. je reprends ma respiration, on reconditionnera la structure en bois, aucun reproche, soumis et résignés les ouvriers (des vrais, pas des clampins comme moi). Je renonce à ma spécialité. 

Le premier jour, à Prague, sorti seul, je m' étais perdu, sans argent, vêtu du misérable short qu' on nous avait remis à l' arrivée, sans argent, frigorifié, sans papiers, sans langage intelligible,  et la nuit qui vient, affolé, désorienté, où est le collège Mazarik ? Plusieurs heures d' errance, arrivée tardive, repas terminé, j' entre dans une salle où des applaudissements rythmés saluent le discours d' un orateur, moi je  n' applaudis pas de cette façon sur commande, pas convaincu d' office, refus, mauvais départ.

  Quelques années plus tard, au hasard d' une conversation, j' apprends que le médecin du bourg où j' étais devenu professeur de Collège était dans ce train vers la Tchécoslovaquie, il me demande si je me souviens d' un incident, long arrêt du train pour cause d' une portière restée ouverte, sûr que je  m' en souviens, il m' avoue  qu' il était la cause (volontaire ou pas, je n' affirme rien...) de cet incident  et il en est tout fier. Extraordinaire cette période de vie où on n' est toujours qu' à moitié responsable, cause jeunesse, et qu'on en est parfaitement conscient. Nous sympathisons aussitôt, quelques points communs, c' est sûr.

 Voilà j' ai tout raconté de mon itinéraire professionnel et maintenant que je suis vieux tout cela me paraît désuet presque futile...la vie est ainsi faite, tout revient en boucle comme le scénario d un film pas mauvais mais très quelconque où l' on serait acteur et qui aurait pu être différent puis tout  s' efface, tout se dilue, tout s' oublie, tout disparaît.

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