vendredi 4 juin 2021

Beau village 17

      Manqué mon premier essai de me libérer de mon beau village. A  refaire. Je n' avais rien dit aux habitants, même pas à mon ami le Maire,  j ' étais, nous étions (j' ai une épouse),  je dis "je" pour simplifier, devenus partie intégrée au village. La méfiance première des habitants avait fondu d' année en année. Lors de la précédente, une fillette avait été classée première des filles du canton en même temps qu' un garçon de la même classe premier des garçons, un beau doublé dont le village était aussi  fier que moi, ces réussites prouvaient certainement l' excellence des maîtres mais aussi en résultait la confirmation que  les enfants du cru étaient largement, autant si ce n' est plus, intelligents que ceux des alentours, ce dont   d' ailleurs on n' avait jamais douté. En plus,   j' avais  fait participé mes élèves à un examen de connaissances organisé par le Comice agricole, ils  s' en étaient sortis brillamment et avaient ramené des bêches et des râteaux. On écrivit un bel article sur le journal local. Ce même Comice agricole dans la foulée, m' avait  décerné, après avis de l' Inspecteur, le prix d' un legs ancien, destiné à récompenser l' instituteur ayant à son palmarès le meilleur résultat du canton, pas d' argent, celui du legs avait fondu avec l' inflation depuis sa création, restait seulement un diplôme de premier maître du canton. Bon, M. l' Inspecteur doit être maintenant conscient de ma valeur et je m' attends à une promotion. J' explique que l' instituteur au cours de sa carrière voyait son traitement augmenter régulièrement pour                l' encourager à tenir bon. On progressait  à l' ancienneté, après cinq ans, dans un nouvel échelon, 5 ans c' était long pour gagner un peu plus , on pouvait progresser  plus vite, selon le gré de l' Inspecteur par des promotions dites "au choix" avec encore une nuance de "petit choix" ou de "grand choix", deux  ou trois ans au lieu de cinq pour le bonus sur la feuille de paye. Le syndicat m' avisa qu' à son grand regret  je n' étais pas retenu et que ma feuille de paye resterait au même petit format. Existait-il une "cour"  comme autrefois autour des rois distribuant des faveurs à ses courtisans ? Je m' en persuadai et comme par la suite, je restai quatorze  années à attendre en vain chaque jour une visite de l' I. avec conséquemment une augmentation de ma "note de mérite" et en corollaire l' augmentation de ma paye, la note de mérite se figea , la cagnotte fut longue à grossir  et je restai dans le groupe des laissés pour compte. Un peu de rancoeur m' en resta. Mes mérites furent finalement reconnus à deux années de la retraite par un autre inspecteur, une charmante dame conquise par mon savoir-faire et même mon "art", cité en exemple aux jeunes, mais c' était en fin de carrière et trop tard, j' étais arrivé à pas lents tout en haut de l' échelle.    J' étais donc encore au village avec  grand désir d' en sortir. Je suis allé entre-temps participer au Jury du Certificat d' études dans le chef-lieu d' un autre canton , pas rien le CEP, cinq fautes d' orthographe et s' envole le diplôme,  2 points en moins par faute, sur 10 ça fait 5 fautes et tu rentres à la maison la tête basse, même si tu as su résoudre sans machine à calculer les  compliqués problèmes d' arithmétique, même si tu  sais dessiner la Seine avec tous ses affluents et villes principales. aucune pitié, et ce fut le grand déclic devant une belle école toute neuve en belle pierre blanche pourvue d' une kyrielle impressionnante de robinets versant de la belle eau limpide et potable.  Au retour la décision était prise, on quitte le village.

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