jeudi 10 juin 2021

Beau village 11

  Trouver de l'eau. Ce doit être possible puisqu' elle coule plus bas et si elle coule en bas  c' est qu' il existe une nappe en haut. Elémentaire. On me conseilla de faire appel à un maçon qui savait tout faire, un personnage haut en couleurs comme il en existait dans tous les  villages en adéquation totale avec l'environnement. Je le connaissais, il était venu ramasser les pommes dans mon jardin car l' école était dotée d un jardin avec un grand pommier, qui  jouxtait le cimetière qui jouxtait l' église. Jardinage, ma femme s' y livrait - d' accord mais ne compte pas sur moi pour l' arrosage - Mon nouvel ami maçon  transporta les pommes jusqu' au pressoir d' un cidrier un peu plus loin, en repassant il déposa dans ma cave un tonnelet de cette nouvelle boisson et on se convertit aussitôt au bon cidre de la campagne verte. A cette époque le cidre était une boisson très commune. Je me souviens d' une sortie scolaire, j' emmenai ma classe à Paris pour leur montrer la belle ville, ne le faites jamais, n' emmenez jamais 40 enfants à Paris quand vous  n' êtes que vous et votre femme pour les pousser dans le métro et les en sortir. Jamais, vous m' entendez. On n' en a cependant pas perdu un seul, on les regroupe et on pénètre dans un self où bien sûr je   m' étais annoncé. On prend la file , on glisse les plateaux sur le rail conducteur, mais la file s' arrête, une fillette est immobilisée devant les boissons, elle stoppe toute la cohorte - tu veux quoi ? de la limonade ? un soda ? -  j' sais pas - Il faut te décider vite car la file  attend - Bon, tu bois quoi chez toi ? - chez nous on boit du cidre - déclare la fillette presque en pleurs -  Ils sont nuls à Paris, ils n' ont pas même du cidre pour les petites villageoises qui découvrent la capitale.Je laisse le cidre pour      l' eau qui viendra à  l' école quand on l' aura trouvée. Aucun problème, mon maçon est sourcier et pour lui ce n' est pas sorcier de trouver l' eau. Le voilà qui arrive, il sort de ses grandes poches une bouteille aux trois-quarts emplie d' eau , une ficelle est fixée au bouchon et on part sur le sol de la place, rien, bouteille immobile mais la voilà qui oscille alors on suit le trajet qui amplifie le mouvement qui devient circulaire de plus en plus affirmé, comme le jeu des enfants qui ont caché un objet et aident le chercheur en disant, c 'est froid,  c ' est chaud, ça brûle  et la bouteille tourbillonne, mais pas n' importe où, j' essaie d' emmener mon maçon plus loin, non, c' est là et pas ailleurs, la bouteille a parlé, je m' inquiète totalement. On s' éloigne la bouteille  ralentit, on revient  et elle s' affole de plus en plus, pourquoi ne lui fais-je pas confiance. Vous ne pouvez pas deviner. On est juste sous le porche de la sortie du presbytère où la voiture du curé passe plusieurs fois par jour. On va creuser là, me déclare le maçon. Je suis interloqué - j'essaie de le persuader timidement que par exemple, quelques mètres plus loin à droite, la cour du presbytère est vaste, non, rien n 'y fait, mon maçon est  une personnalité entière, entêtée et  catégorique, pas d' alternative, pas de plan B. J' en parle le lendemain au maire qui s'étonne un peu, qui ose même un grand rire -  pas moi, je ne ris pas du tout - Ecoutez, vous vouliez de l' eau, j' ai un vieil ami géomètre, je lui en parle pour qu' il vous aide à monter le dossier qui ne doit pas tarder si on ne veut pas laisser perdre les crédits "Barangé". Réflexions intenses pendant un jour ou deux et puis je me décide, il faut agir, je me lance d' un pas ferme, vers où ? vers le presbytère.

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