J' ai rédigé l' acte de décès, comme je l'ai expliqué précédemment,
du vannier victime d' une rixe, le médecin légiste a fait son rapport
et on sait que la mort est due à de multiples coups de serpettes, aucun
doute là - dessus. Maintenant on doit faire toute la lumière sur l'
affaire et les interrogatoires commencent. Deux inspecteurs de police
ont pris possession de la salle de la mairie, un grand fort, et un
petit maigre qui est le plus actif, en possession de tous les documents
et qui semble diriger les opérations. Le défilé des témoins commence,
les hommes, les femmes en grands gémissements, bruyante animation devant
la porte de l' école. Je sympathise avec le grand inspecteur débonnaire
qui par chance se trouvait à mes côtés quand j' essayai d' expliquer au
frère de la victime, un grand fort également, que le permis d' inhumer
étant délivré, le corps remis à la famille ne peut être transporté
jusqu' au lieu d inhumation qu' avec un certain nombre de préconisations
et formalités, en particulier le cercueil qui doit être comme ci et
comme ça...le départ et l' arrivée du transport etc...et patati et
patata... Qu' avais-je dit ! Ces gens sont susceptibles et le grand
malabar de vouloir s' en prendre physiquement au secrétaire de mairie,
sain et sauf grâce à l' intervention du grand et fort policier qui vite
fait calma les ardeurs vindicatives. Je décidai de remettre dans son
tiroir tous ces stupides règlements et de me faire oublier... qu' ils
fassent selon leurs lois ...je tiens à mon intégrité corporelle. Donc,
grand va-et-vient sur la place de la mairie, en même temps place de l'
église, en même temps cour de récréation de l' école et accès au
presbytère. Mes élèves ont droit à leur quart d' heure de récréation
pendant lequel habituellement je me tiens à l' une des entrées de la
place pour une surveillance efficace. Ce jour-là, je me rapproche de la
porte de l' école, je sors mon sifflet, fin des ébats dans la cour, je
regrette, ils s' amusaient bien, mais le quart d' heure est passé. Au
coup de sifflet, un garçonnet jaillit du côté presbytère avec la
vitalité de son âge pendant que la voiture des policiers entre sur la
place, les deux trajectoires se
rejoignent.
Gros bruit, bris de verre , je me précipite... Apparemment, le
garçonnet est intact, peut-être un ou deux bleus, mais la tête a été
plus dure que le phare qui est en morceaux sur le
sol. Les policiers
rédigent illico leur rapport sans mes observations personnelles, que
pourrais-je dire, ils sont assermentés donc leurs considérations sont
indiscutables et bien entendu, ils n' ont aucun tort tel que non
maîtrise du véhicule, vitesse excessive, manque de prudence ou confiance
en soi exagérée. Mon avis leur importe peu, eux savent ..et moi ..
Et moi, de mon côté, je dois faire un rapport détaillé à mon
Inspecteur, heure bien sûr, celle de la récréation, coordonnées des
lieux, plan détaillé indiquant la position du maître, celle de l' élève,
l' endroit exact de l' accident. Car, pour l' administration, existe-t-
il une faute de surveillance, si oui responsabilité du maître, sinon
responsabilité de l' Etat et pourquoi pas celle de la commune qui n' a
pas su délimiter comme partout un endroit clos
. Un jour ou deux
passent, l' enfant ne présente aucun trouble, pas de contrôle par un
médecin, actuellement il faudrait des examens, des radios, des mises en
observation, des cellules avec des psychologues pour évacuer le stress
et ses répercussions possibles sur l' avenir mental du blessé, et
pourquoi pas un recours contre l' instituteur incapable d' assurer la
sécurité des enfants, individu coupable d' un inadmissible défaut de
vigilance. Rien de tout ça à l' époque, bonne volonté de la part des
parents, l' enfant n' a rien et c ' est tant mieux, on n' en parle plus.
Mon grand inspecteur de police est un peu inquiet il prend souvent des
nouvelles de l' enfant.
Que pensez-vous qu' il advint ? Quelques
semaines s' écoulent et les parents reçoivent une injonction d'avoir à
régler la facture de remplacement d' un phare de véhicule de police,
cassé par leur enfant. Ils se précipitent à l' école. ...Je suis
abasourdi. Je précise cependant que j' avais l' adresse du grand
inspecteur sympathique, que je contactai aussitôt et qui autant outré
que moi me chargea de dire aux parents de ne pas tenir compte de la
facture qu' il règla aussitôt personnellement. Et les cours reprirent
sereinement jusqu' au jour où, soudain, dans la cour...
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