jeudi 3 juin 2021

Beau village 18

Je revins donc de ce Jury de C.E.P. et fis à ma femme la description enthousiaste de la merveilleuse grande école que j' avais rencontrée, toute neuve, magnifique, pourvue de cette merveille qu' est l' eau qui coule des robinets, même froide, je ne demandais pas l'eau chaude, ce serait trop de luxe. On surveilla les listes de postes vacants. Surprise : un poste femme est possible à l' école maternelle, avec le nom de l' occupante précaire, tant pis pour elle, on remplit la demande, on est accepté ou plutôt acceptée, moi, je suis encore là,  j' attends la deuxième liste, rien, alors je cherche alentour une offre que je trouve, une classe à tous cours à 4 ou 5 kilomètres de la belle école. Va pour le poste certainement lui aussi sans eau, je ne m' étais pas renseigné, peu importe. Peu après je reçois la visite d' un couple de collègues, lui enseigne à la belle école et elle de façon précaire au village qui m' est attribué, je compatis à leur désarroi, ils me citent une différente école possible pour moi mais je vois que je chasserais quelqu' un d' autre, alors je laisse aller, pas ma faute, j' y suis, j'y reste, impassible, méchant,   j' ai trop souffert avec mes grenades, mes crapauds, mes squelettes, mes manouches et mes autopsies en plein air. Ma nomination dans ce village paraît sur le journal, les villageois  me demandent si c' est une sanction ou une promotion de quitter leur beau village pour cet autre bien quelconque à leurs yeux. Le maire ne comprend pas qu on ait pu me nommer là et croit à une mauvaise action de l' Administration envers moi. Peu importe, j' y suis, j' y reste, advienne que pourra. Et voilà que je suis convoqué par l' Inspecteur au chef - lieu d' arrondissement, j' y vais le jeudi suivant. Que me veut-il ? Je suis méfiant et pas décidé cette fois à  m' en laisser conter - Monsieur B - oui, monsieur l' Inspecteur- j' ai votre dossier en main,  vous êtes un excellent maître - (oublié pour les promotions au choix pourtant)  - Je le crois effectivement M. L' I - Vous êtes fort en mathématiques, n' est-ce pas ? Vous êtes un esprit scientifique ? - (Je me rengorge comme un coq) - Et bien voilà, nous avons décidé        d' ouvrir un cours complémentaire à ...(justement le pays à la belle école) - tout est embryonnaire, on va utiliser les locaux d un vieil hospice désaffecté, le Directeur de   l' école des garçons assurera les matières littéraires et vous les matières scientifiques, avec le même horaire de 30 heures des classes primaires et quelques surveillances, l' entrée, la sortie, la cantine. On ouvre deux classes, une sixième, le recrutement est déjà fait et une cinquième ouverte aux élèves des villages voisins pourvus de leur certificat d'études - le démarrage sera difficile, aucun matériel, mais avec de la bonne volonté, ça doit réussir - vous serez deux pour ces deux classes, l'un dans l' une, l' autre dans la seconde  en alternance - Merci, je compte sur vous, je sais que je peux compter sur vous, je  connais votre conscience professionnelle - Tout à fait,M. l'I. - Je suis un peu désemparé car il m'avait déjà fait le coup à mon début de carrière. Je vous  raconterai   Finalement, je suis satisfait, l' avenir s' éclaire, même si je manque de conviction sur mon aptitude à  cette nouvelle fonction qui    m' effraie un peu (et même beaucoup). Mais à moi, enfin, les  beaux robinets.

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