J' en étais à ma belle" Juvaquatre" qui m' attendit six mois sous les
hangars du presbytère. Pendant ce temps, la vie déroulait sa routine.
A
l' arrivée nous avions dû tracer un emploi du temps de nos activités en
classe, à envoyer à M. l' Inspecteur pour approbation. L' ensemble des
matières dont le total doit correspondre aux trente heures
hebdomadaires est à découper en tranches fines selon la division et
selon le jour et l' heure, et chaque morceau obtenu est à intégrer dans
le calendrier de la semaine ce qui fait un puzzle à cases multiples et
un casse-tête tributaire du cachet d'aspirine. Sur l' organigramme,
devait être soulignée en rouge l' activité du maître afin de suivre son
cheminement avec le temps. Exemple : lecture pour les petits (en rouge)
pendant problèmes ( même parfois de robinets) pour les grands et
exercices de grammaire pour d' autres qu' il faut bien occuper pendant
ce temps là, Calcul chez les grands (en rouge) pendant que...grammaire
au cours moyen pendant que...Géographie au cours élémentaire (en rouge)
pendant que...Dictée ici ou là pendant que... c' est surtout le
"pendant que..." qui pose problème, d' autant qu' il se traduit par un
gros tas de cahiers à corriger le soir. L' approbation par l' Inspecteur
n' est pas certaine car il faut tenir compte du moment du jour où l'
élève peut être plus ou moins réceptif à telle ou telle matière
demandant plus ou moins de concentration et d' activité cérébrale et la
psychologie de l' inspecteur prévaut sur celle de l' exécutant de base.
On aurait aimé que l'Isp. fournisse le document, non, son rôle était
seulement approbation ou invitation à recommencer.
Donc activité en
zigzag , parcours du combattant pour le maître qui a plusieurs divisions
dans sa classe et qui sait que M. l' Insp. peut surgir inopinément à
n' importe quel moment et que ledit inspecteur (Monsieur l'Inspecteur,
il y tient, avec mon profond respect) sait à cette heure précise où se
trouve le maître (ou plutôt où devrait se trouver) le maître et ce qu'
il fait (ou devrait faire ) et avec qui pendant que les autres élèves
sont occupés à ceci ou à cela. Le maître ne s' assoit jamais, il court
de groupe à groupe en épiant sa montre Pas de pause "café", pas d' arrêt
pour nécessités physiologiques", le maître est une entité dégagée des
vulgaires contingences.
A midi, surveillance obligatoire, repas en
alternance , le maître puis sa maîtresse, pardon, je veux dire son
épouse, le maître est un modèle en tout. Nécessité donc de se faire à
cette gymnastique où tout doit être écrit noir ou rouge sur blanc et
chronométré dans un "journal de classe" obligatoire" à rédiger avant (et
pas après) et à présenter lors de l' Inspection avec d' autres
documents. Il était recommandé en plus de noter ce qu'il serait bon de
revoir lors de chaque prochaine leçon analogue pour affiner sa
pédagogie. Je suis en possession d' un " Journal des exercices de classe
pour servir à la préparation quotidienne des diverses leçons" , année
scolaire 1880 - 1881 par l' instituteur de l' époque, M. Létrillard. Il
m' attendait au fond du grenier de la mairie. Précieuse relique.
On
comprend que les regards étaient souvent tournés vers la fenêtre et que
les bruits de moteur devant les portes accéléraient le rythme cardiaque.
Le jour, où un de mes élèves, en fin de récréation, se précipita à
cause de son grand élan pour rejoindre les rangs, contre une voiture de
police arrivant dans la cour, (c' était un "dur" et même un très dur,
heureusement, rassurez-vous) je regardai aussitôt ma montre pour voir si
l' heure de ma récréation correspondait bien à celle indiquée sur l'
emploi du temps, enregistré et approuvé par l' Insp. Il y avait un écart
de cinq minutes. Je tentai de faire noter mon heure rectifiée de cinq
minutes en l' annonçant d' un ton détaché à l' Insp. (de police cette
fois). Rien à faire, ces gens sont d' une rigueur absolue et je ne
pouvais quand même pas entrer dans les détails et lui expliquer que
etc... Bientôt je vous raconterai en détail...
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