Je continue mon histoire de poêles pour l' école avec l' appareil à
mazout, c' est à dire à "fioul" dont le maire solidaire de mes
difficultés a doté l' école. Reste l' approvisionnement en combustible.
Muni d' un jerrican américain, survivant de la guerre, je vais au
chef-lieu voisin pour ramener dix ou vingt litres de fioul dans ma
voiture, car ça y est, j' en ai une, une belle "juvaquatre" de très
vieille occasion dont je parlerai plus longuement un peu plus loin.
Premier essai, oui, pas mal, ça sent un peu quand même, des parents ne
tarderont pas à me le confirmer. La réserve est vite usée et je dois
souvent faire la dizaine de kilomètres aller-retour pour le remplissage
du bidon. On me conseille de faire l' acquisition d' un gros bidon de
deux cents litres. Bonne suggestion. Au village voisin un commerçant
pompiste m' est désigné comme fournisseur potentiel. Je lui passe
commande et il me livre le gros bidon. Oui, mais il faut un robinet pour
extraire le précieux combustible, il a les fûts mais pas le robinet.
Je
n' ai pas de robinet, je ne peux pas puiser le mazout. Reprise des
déplacements en juvaquatre et jerrican et demande de fourniture d' un
robinet au mécanicien du chef-lieu. Il n' a pas de robinet, il ne peut
pas me fournir de robinet. Désespoir, mais voilà que le curé de mon
village est là envoyé par la Providence, il me questionne, compatit,
quoi ? pas de robinet ? Je vais vous en trouver un, moi, de robinet. Il
retrousse la soutane, grimpe sur le tas de vieux bidons, remue tout et
revient les mains noires et la soutane mazoutée, avec triomphalement, à
la main, un robinet qu' il a dévissé sur un fût à l' abandon et que je
prends volontiers après que mon nouvel ami m' ait affirmé que le
mécanicien ne serait pas ruiné pour autant. Formalités terminées, je
reviens au village, avec l' absolution du Ciel pour le larcin, je visse
mon beau vieux robinet et peux enfin utiliser mon stock de mazout, ou
plutôt je crois pouvoir l'utiliser, car...ce n' est pas fini...
Il est
question maintenant de poêle, de voiture et de curé du village, tout est
lié, l' histoire n' est pas finie, je vous raconterai tout. Pour le
mazout, ça chauffe, c' est bien sauf l' odeur, mais le fioul qu' on
m' a livré est du fioul "lourd" à grand coefficient de viscosité, mon
fournisseur n' en a pas d' autre, ce produit ne circule plus, quand il
est à basse température, dans le système de distribution de l' appareil
prévu pour des fiouls "légers", il est trop épais. Chauffage possible
quand il fait chaud, cessation de chauffage dès qu' il fait froid, le
paradoxe. Que faire ? Je remplis le jerrican, je le réchauffe sur la
cuisinière de ma cuisine avec grande attention pour ne pas avoir à
appeler les pompiers en urgence, et il en est ainsi à chaque attaque du
froid. Jamais je n' aurais pensé devoir chauffer du combustible. De
plus, le poêle n' est pas adapté au réchauffage des gamelles. Alors,
sans rien dire au maire, je récupère et réinstalle mon vieux poêle à
bois et tout recommence comme avant le Progrès.
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