lundi 14 juin 2021

Beau village 7


     Les cours reprirent en toute quiétude retrouvée, jusqu' au jour où l' on entendit des cris dans la cour et qu' on vit par les fenêtres voltiger des flammèches et des papiers à demi carbonisés portés par une fumée épaisse. J' avais été un peu intrigué dans les jours précédents par des propos du vieux garde-champêtre qui disait sans dire...des recommandations de méfiance envers je ne sais pas qui ou quoi . Il m' avait même fortement conseillé d' aller passer le  W-E  dans ma famille parce que il se pourrait que....méfiez-vous...mais il ne pouvait pas dire... seulement des sous-entendus. 

    
Bon, il radote un peu. Un fossile du fond des âges cet homme. Je lui avais proposé de         l' emmener dans ma juvaquatre au chef-lieu  d' arrondissement où il allait percevoir je ne sais quelle retraite chaque trimestre, 25 km quand même, refus, il préférait s' y rendre à pied, muni de son gros bâton, à travers raccourcis par bois et champs, à la manière de notre bon fabuliste local dont nous sommes si fiers. Il savait tout, c' est lui qui passait à domicile faire la collecte des permis de chasse à renouveler chaque année et qui les reportait dans les nombreux hameaux et écarts, un bon marcheur et un bon observateur .
 Il était présent à toutes les ouvertures du secrétariat de la mairie où son rôle principal était de retourner à l' aide d'un crayon qu' il faisait rouler, toutes les enveloppes reçues, il les recollait de l' autre côté avec une conscience professionnelle  remarquable et on                 n' achetait jamais d' enveloppes.

Jusque là excellente entente dans le village. On organisait en fin d' année une séance récréative par les élèves, chants, mimes, saynettes etc...et tout le village était là. Des dames passaient recueillir des lots, boîtes de conserves, vases, bibelots, base d' une tombola pour la tirelire de l' école. Les mêmes qui donnaient les lots achetaient les billets en grande générosité et rachetaient ainsi tout ce qu' ils avaient donné pour la grande satisfaction de tous. J' étais correspondant du journal local mais je me gardais bien d' annoncer la séance récréative car quand je l' eus faiT naïvement la première année, je reçus une lettre de la société des Auteurs et compositeurs me sommant de fournir la liste des oeuvres jouées ou même des chants pour contribution à ladite Société. Ensuite, ils avaient mon adresse et ils sont très tenaces. Prudence aussi envers l' administration des contributions à laquelle il eût été régulier de demander une exonération des taxes. Donc, pas d' entrée monnayée. On arrive à gérer avec un peu d' expérience.

Et surtout pas de "caisse noire". On avait inventé le système de "coopérative scolaire" pour une gestion claire des fonds avec compte en banque. A ne pas confondre avec la "Caisse des Ecoles". Lors des mariages, tout don à la Caisse des écoles allait au budget de la commune, tout don à la "coopérative scolaire" allait directement à l ' école, il fallait expliquer la nuance aux donateurs. 

Même bonne entente aussi pour le premier voyage que  j' organisai, on alla en autocar par le Jura jusqu' en Suisse, avec bateau sur le lac Léman. Tour le monde racontait " On a été en Suisse et c' était  bien". Pour beaucoup  c' était leur premier voyage, merci au gentil petit instituteur. Je proposai l' année suivante une seconde sortie, vers la mer cette fois et            j' attendis les inscriptions. Une seule et unique, je dus annuler. Que se passait-il ?              N' étais-je plus en odeur de sainteté ? Etonnant après mes bonnes relations avec le curé que j' avais même un jour invité à déjeuner. On m' expliqua que  ce n' était pas moi le problème, mais qu' il s' était abattu sur le village un gros nuage chargé d' électricité, générateur de méfiance réciproque. Le vieux garde-champêtre l' avait vu venir.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire